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MYRIAM LAMARE, MI-ANGE MI-DEMON...netboxe

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MYRIAM LAMARE, MI-ANGE MI-DEMON...
A Bercy le 8 novembre 2004, Myriam Lamare, fer de lance de la boxe professionnelle féminine en France, tentera de décrocher la première ceinture WBA des super légères face à l’américaine Elisa Olson. Chose rare, voire unique, elle est la première annoncée sur l’affiche officielle du combat. Fait exceptionnel étant donné le machisme du milieu ! Une véritable reconnaissance de valeur avant le grand match, celui, il faut lui souhaiter, d’un tournant pour une carrière pro à la dimension internationale …

Un bar près du stade Vélodrome. Un café qui fume et le sourire de Myriam. Ce matin, c’est la gueule d’ange que j’ai en face de moi. Une fille radieuse et détendue. Difficile de penser que dans quelques jours, elle focalisera quelques millions d’yeux franco-américains…
« La boxe est pour moi bien plus facile à vivre, que la vie de tous les jours! »
Myriam Lamare : "Je n’ai pas la pression. Pas si tôt en tout cas. Je ressens une vague émotionnelle au moment de la pesée, et puis dans les vestiaires, où deux heures avant je rentre doucement dans le combat qui vient. Mais j’ai remarqué que, longtemps avant, mon corps se prépare à l’échéance : il y a des choses extraordinaires qui se déroulent organiquement afin que je sois en phase avec l’épreuve. Par exemple, mes règles se sont déclenchées dix jours après les précédentes, et je pense que c’est un processus inconscient qui me permet d’être en pleine possession de mes moyens le jour J. En cela, mon corps ne subit pas de pression, puisqu’il s’y prépare. Il l’assume.

Et puis, on sait se décontracter ! Louis et moi aimons nous préparer en musique. Ca me détend, et ça me permet aussi de mettre de côté ce côté « sauvage » qui ressort de moi, sitôt passé la porte du vestiaire !… Par contre, lors du trajet vers le ring, je me sens bien. Lorsque j’entends le speaker au loin, et les cris du public : j’ai la chair de poule, je frissonne de plaisir ! Je suis alors dans un tunnel, plus rien autour ne compte, je sens que je suis prête au combat, et que mon esprit se projette là-haut vers le ring. J’adore ce moment. Je le savoure.

La boxe, est pour moi, bien plus facile à vivre que la vie de tous les jours… Lorsque tu es soutien de famille, que tu as des responsabilités envers d’autres, et que la vie ne te fait pas de cadeaux… c’est pas facile. Dans les cordes, le destin c’est toi qui te le fais. Tu en est maître."
Son téléphone posé sur la table, à côté de l’agenda de cuir noir, se met à vibrer…
Myriam Lamare : "La journée est chargée, comme tous les jours depuis un mois sourit-elle comme pour s’excuser. D’abord le kinésithérapeute, l’entretien musculaire, les soins, parfois l’esthétique et la coiffure, puis tout le travail administratif. Au repas, je récupère, puis souvent j’ai rendez-vous avec des médias, et de 15h à 18h, je m’entraîne avec Louis Lavaly. Le soir, je me couche assez tôt. Je suis un programme alimentaire équilibré avec des compléments alimentaires. L’entraînement de haut niveau est une planification à long terme, tout doit converger pour que tu sois au mieux."
Lorsque l’on aborde sa trajectoire sportive rapide et ses réussites avant-gardiste, Myriam tient à faire comprendre que les fruits de la réussite qu’elle vit, ne sont pas ceux du hasard.
Myriam Lamare : "Je me sens de mieux en mieux. J’assimile davantage l’expérience acquise au fil des combats. Il m’est arrivée d’exorciser des choses sur le ring, des trucs personnels qui n’avaient rien à voir avec la technique. Des choses que je suis seule à pouvoir comprendre. Mais je gère bien mieux tout ça maintenant. Ca se construit petit à petit.

J’ai aussi été gênée au début de ma carrière en boxe anglaise, par la volonté que j’avais de prendre en compte la manière de comptabiliser les points. En amateur notamment, l’importance que je donnais à la scoring machine m’a certainement fait passer à côté des deux seuls combats que j’ai perdu.
J’ai mis un peu de temps à comprendre qu’il fallait que je reste moi-même, et que je boxe selon mon tempérament. Je sais que je préfère être la « patronne » sur le ring, et aujourd’hui, j’assume complètement cette partie de moi qui prend le pas sur des considérations de comptabilité de points. Ca me va mieux, et ça marche. J’écoute en fait, davantage mon tempérament !"
Difficile, alors que l’on boxe « à l’instinct », de planifier une stratégie avant un combat en fonction de ses seuls points forts ? Pas sûr. Myriam évoque ce qu’elle connaît de son adversaire de Bercy :
Myriam Lamare : "J’ai visionné trois de ses combats des trois dernières années. Elle est vaillante, mais ne paraît pas adopter de stratégie particulière. On dirait presque une boxe qui manque d’intelligence, si je peux me permettre.
Olson est droitière, et je sais qu’elle a fait souvent le « yoyo », c’est à dire qu’elle monte et descend dans les catégories. Si elle a fait un régime, c’est tant mieux pour moi. Actuellement elle est classée sixième mondiale (en septembre 2004) et je la prend très au sérieux.
De toutes les façons, il y a encore d’autres filles très expérimentées dans ma catégorie, qui est, certainement, une des plus dense. Beaucoup d’internautes doivent connaître Mia St John, Mc Carter, ou l’excellente Rijker ?… et il y en a d’autres ! Mais je pense qu’Eliza Olson va se méfier, et qu’elle sera moins « tête brûlée » qu’elle ne l’a été.

Bien entendu, ma préparation a tenu compte de ce profil. J’ai tenté de réfréner mes envies d’avancer et de faire le combat. J’ai, par exemple, travaillé la contre-attaque sur deux boxeurs dominants en alternance, et l’ensemble vitesse précision comme la lucidité avec la fatigue, avec un troisième contre attaquant en fin de sparring. Le tout sur la durée réelle du combat, soit 10 rounds…

J’ai fait beaucoup de cardio,fartleck, intervall training, côtes,…mais moins de piste que je ne l’aurais souhaitée. Je bats au repos à 38 et en maxi à 196 en course… j’ai donc d’excellentes dispositions pour récupérer. En musculation j’ai fait essentiellement des circuits en endurance vitesse, que je me concocte moi-même. De toutes les manières, on construit les séances ensemble avec Louis, c’est un résultat de concertation avec l’entraîneur et le staff médical et para médical."
Qu’elle est loin la panthère bouillonnante de ses débuts ! Elle semble s’être domptée elle-même, toute seule, en s’ouvrant au monde. En l’acceptant tel qu’il est. Tiens, l’acceptation… Je lui demande alors ce qu’elle aurait désiré changer dans son physique, si la possibilité lui était donnée de modifier quelque chose … question féminine, s’il en est…
Myriam Lamare : "Les yeux ! La couleur de mes yeux. Je les aurais aimés bleus. Sinon rien d’autre. Je suis athlétique, et c’est mon histoire qui est inscrite dans mon corps. Je ne suis pas tombé par hasard en boxe professionnelle.
Auparavant j’ai pratiqué l’athlétisme où j’ai été finaliste du championnat de France junior sur 400m haies, puis, à dix huit ans, je me suis essayée au full contact, puis à la boxe française où j’ai été championne de France, d’Europe et du Monde dans une forme de combat exigeante et très technique.
Puis je me suis mise à la boxe amateur (la boxe olympique), qui m’offrait des opportunités intéressantes. Je fus Championne de France, d'Europe et du Monde (45 combats amateurs dont 42 victoires). Et me voilà aujourd’hui en boxe professionnelle, qui est certainement le pratique qui me convient le mieux. Mais on se rend bien compte, en regardant par dessus l’épaule, que pour en être là aujourd’hui, je ne dois rien au hasard !

L’expérience je l’aie, parce qu’elle est une somme d’acquis de tous les sports pratiqués en compétitions et à haut niveau. De plus, j’ai souvent été « pionnière » dans le sens où j’ai souvent décroché un titre qui était mis en jeu pour la première fois. C’est le cas encore aujourd’hui avec cette première pour la WBA en catégorie féminine. Enfin !…
Mais si, au bout de la route, je pratique un sport de combat qui exige de la violence, je n’en reste pas moins femme, plus même, je le revendique ! Jusque dans ma tenue de ring (surprise…). Beaucoup de septiques reviennent sur leur position première. De plus, il y a une demande forte du public pour me voir boxer aujourd’hui, parce que nous, les femmes, nous apportons, à l’évidence, quelque chose de plus.

Et ce n’est pas une question de voyeurisme! Mais une touche de fraîcheur et d’esthétique peut-être ? Regarde mon visage. Tu sais, je n’aime pas prendre de coups, mais peut-être que beaucoup d’hommes ne se posent pas cette question et se fichent de finir usés ? Le grand public est peut-être un peu lassé de voir les mêmes visages marqués, et que le renouveau est trop lent en professionnel ?

C’est difficile à dire, mais il y a à creuser de ce côté là, je pense. Il faut savoir se préserver. C’est important parce ce que c’est une vision large de la vie qui l’exige. Boxer n’est pas anodin, c’est dangereux. Et puis la boxe ce n’est pas tout.
Il faut relativiser…"
Franck Martini, le 01 Novembre 2004         Share